Tant qu'y a d'la vie...
Jeudi. ...C’était bien Alice qui avait sonné. La brave dame était complètement paniquée car sa télé ne marchait plus et c’était bientôt l’heure des Feux de l’Amour. Je suis monté chez elle, ce n’était pas grand-chose, la femme de ménage avait dû par inadvertance débrancher l’antenne… Par la même occasion j’ai changé une ampoule qui était grillée dans le couloir. Alice m’a offert un petit digestif et un chocolat, nous avons parlé de choses et d’autres et je suis parti. Les Feux de l’Amour venaient de se rallumer et je commençais à avoir chaud… En descendant l’escalier, j’ai croisé une petite fille avec un lapin blanc dans une cage, ça m’a fait penser à quelque chose, mais à quoi exactement ?
J’ai une dent qui s’est cassée, elle commence à me faire mal, surtout avec ce froid qui n’arrange rien. Je vais mettre le petit bout sous mon oreiller, on ne sait jamais…
Je suis passé au Club comme à peu près tous les jours. A chaque fois, je ne me rappelle plus à qui j’ai déjà dit "bonne année" ou pas, ce qui fait que certain(e)s ont droit à deux ou même trois "bonne année" de ma part. Il y en a même une qui m’en réclame tout le temps, je lui en donne en veux-tu en voilà, ça ne fait rien je n’en suis pas avare…
Vendredi. Au réveil : "L’Amitié", de Françoise Hardy
Beaucoup de mes amis sont venus des nuages
Avec soleil et pluie comme simples bagages
Ils ont fait la saison des amitiés sincères
La plus belle saison des quatre de la Terre...
Je reviens peu à peu aux chansons françaises, c’est vrai qu’il y en a de jolies, mais j’ai toujours trouvé l’anglais plus "musical". Et, encore une fois, j’ai l’impression que cela a un rapport avec mon père, comme une espèce de rejet puéril, un caprice de petit garçon.
Samedi. Je suis allé chez le dentiste pour ma dent cassée. Il m’a dit : "Si elle vous fait mal, c’est qu’elle est encore vivante", puis il me l’a tuée. Je me suis aperçu que j’ai oublié de lui souhaiter une bonne année, je me demande bien pourquoi…
Je suis paralysé par le froid. Le chauffage fait ce qu’il peut, il a du mal à gagner. Mon journal se couvre de glace, mes souvenirs se figent, mes désirs sont pris dans la banquise. Mon courage tombe, éclate en mille morceaux scintillants. Des pingouins hilares me font signe de venir, des ours blancs valsent sur une piste immaculée, le silence de l’immensité m’écrase et me vide… Dans des millions d’années, on me retrouvera là, devant un journal improbable, et de grands cerveaux essaieront de savoir ce que j’ai bien pu vouloir dire avant d’être définitivement congelé. A moins que… Je viens de me rappeler qu’il y a un petit soleil au fond de mon lit, si je pouvais me glisser dans les draps avant que les pingouins ne me rattrapent…