La chasse du prince Arthur
Il me semble que quelqu’un a découvert ma véritable identité, mais au fond je m’en fiche. Peu m’importe finalement que je sois exposé, c’est peut-être bien ce que je désire sans le savoir. Il est vrai que cet anonymat du journal me convient bien, et favorise mon goût du mystère et du secret que je cultive volontiers depuis longtemps. D’un autre côté, je me rends bien compte que cela ne va pas dans le sens d’une évolution positive, d’un "retour vers l’humanité". Je suis persuadé que le contact direct et franc avec les autres est le seul moyen de vraiment exister. "Exister, c’est co-exister" (Gabriel Marcel). Je crois pourtant que je vais continuer un temps à me cacher, car il y a toujours cette peur, ce manque de courage que je n’arrive pas encore à vaincre.
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Je suis poursuivi par ce rêve que j’ai fait avec S… qui m’insultait. Je me dis que cela aurait très bien pu se passer dans la réalité, car c’est ce qui m’est arrivé dans l’autre sens il y a quelque temps. Je ne me suis pas mis en colère, mais j’ai pas mal "harcelé" une fille dont j’étais tombé amoureux, et j’ai bien vu par la suite que j’avais été inconvenant. Donc, je comprendrais facilement que S… se mette en colère, d’autant qu’elle doit bien voir qu’elle ne m’est pas si indifférente. Je m’en veux d’être si timide, si craintif, de préférer une solitude peinarde à l’aventure exaltante… Mais je crois que je cherche quand même ce qui pourrait me donner du courage.
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La seule solution que je vois pour l’instant, c’est la foi. La foi au sens large, la confiance en quelque chose ou en quelqu’un : je saute dans le vide, mais je sais que Superman va apparaître et me rattraper juste au moment où je vais m’écraser par terre ! Je sens que ça va mieux quand même, je suis persuadé qu’un jour (quand le moment sera venu...) je me lancerai enfin. Par exemple couvrir mes murs de textes (ou d’images) qui illustreraient parfaitement mes opinions et mes goûts, et inviter tout le monde à venir voir ça dans mon nouveau logement…
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De mon nouveau logement justement, quand il fait beau, je vois longtemps la mélancolique lessive d’or du couchant. Je suis fasciné par cette phrase de Rimbaud. Elle me rappelle mon enfance, où je rêvais beaucoup en regardant vers l’Ouest le soleil se coucher. Il y a quelque chose de mélancolique sans doute, mais aussi comme la promesse d’un jour nouveau dans ce ciel qui "lessive" à coups de paillettes les scories du jour passé. Je me disais que mon père était par là-bas, dans la direction de l’Amérique, et que les musiques de là-bas justement me parlaient un peu de lui.